« Maison au bord de la voie ferrée » (1925) est considérée comme l’un de ses meilleurs tableaux. La voie ferrée au premier plan coupe la maison, la bâtisse est le vestige d’un temps révolu, deux époques s’affrontent ! La maison est un manoir classique avec une architecture « à la française » héritée de l’Antiquité gréco-romaine...Elle semble figée dans l’espace. La voie ferrée, c'est la modernité, le mouvement, le voyage.
De son unique séjour à Paris (1906-1910), Hopper en reviendra « francophile » toute sa vie ! Ses premiers tableaux représentent des vues de Paris (la Seine, le Louvre, le Pavillon de Flore) : « Soir bleu » (1914), sa plus grande toile, sera même peinte alors qu’il est définitivement rentré à New-York, il ne se défait pas de ses souvenirs français. Il dira : « Tout m’a paru atrocement cru et grossier à mon retour. Il m’a fallu des années pour me remettre de l’Europe »...
Hopper est sceptique face à ce nouveau monde de plus en plus standardisé et face au développement de la consommation de masse. Les maisons néo-victoriennes qu’il peint porte les valeurs de ces croyances : celle de la mesure et une forme de retenue puritaine, que menacent les gratte-ciel.
Revenons sur cette maison. Elle est assez angoissante, à moitié cachée par cette voie ferrée, elle nous est familière comme une maison hantée, inquiétante et mystérieuse. On n’a pas très envie d’y rentrer ni d’y passer la nuit !
Elle nous rappelle un peu les cités fantomatiques de Giorgio De Chirico avec cette ambiance très mélancolique. Alfred Hitchcock en fera d'ailleurs la demeure de Norman Bates dans son film Psychose.
Toute l’œuvre de Hopper constituera d'ailleurs une riche source d’inspiration pour le cinéma.
Pendant plus de vingt ans, Edward Hopper travaillera comme illustrateur commercial. Il transposera plus tard dans des tableaux comme « Office at Night » (1940) ou « Conférence at night » l’ambiance de l’univers bureaucratique et du monde du commerce, avec toute l’ambiguïté sexuelle et l’ambiance trouble des films noirs.
En 1927, Hopper s’achète sa première voiture, une Dodge 25 d’occasion. C’est à son volant qu’il va parcourir les États-Unis, il l’utilise comme un atelier roulant, travaillant ses croquis à l’aquarelle. La route devient un sujet récurent dans ses tableaux. « Gas » (1940), « Western Motel » (1957), etc. il sillonnera l’Amérique et l’immensité des paysages du Nouveau Monde aux rythmes du blues et de la folk music.
« Nighthawks » (1942) : simplicité apparente d’un bar de nuit au coin d’une rue, reste l’icône universelle ! C’est LE tableau de Hopper... Malheureusement souvent détourné par la publicité, en affiche, en fond d’écran ou en bande dessinée. Ce tableau est la synthèse d’un long travail accompli qui s’inspire aussi bien de sources littéraires que visuelles. Hopper retranscrit dans ses toiles l’atmosphère de ses romans favoris et dans cette toile "Nighthawks" on ressent bien la menace du « drame », celle d’une mort annoncée. Comme dans la nouvelle d’Hemingway « Les Tueurs ». Tous les héros des films hollywoodiens s’invitent au comptoir de ce bar, dans une atmosphère de perdition - héritée du « Café de nuit » de Van Gogh (1888) ?
Et réciproquement, de nombreux hommages lui sont rendus : au fil du temps, le bar de Nighthawks est devenu le passage obligatoire des célébrités américaines telles que Marylin Monroe, James Dean, Homer Simpson, Batman...Son comptoir s’impose comme le « hall of fame » de l’Amérique moderne.
Des cafés parisiens comme des restaurants new-yorkais, Hopper fait de ces lieux de plaisir et de partage, le théâtre d’une profonde solitude. Il créé cette tension si particulière entre les personnages et l’espace, traité comme un décor à l’éclairage souvent cru.
Edward Hopper affirme que la lumière est l’unique sujet de son œuvre. La lumière comme révélateur...de notre humanité ou du sacré ! ...fenêtres, portes, seuils, comme autant de prétextes pour la souligner d’ombres portées. Regardez « Morning Sun » (1952), le Portrait d’une femme baignée dans une lumière matinale.
Après Shakespeare, lui aussi aurait pu écrire : « All the world’s a stage » (le monde entier est un théâtre !).