Joan Mitchell

Joan Mitchell

Poète publiée à dix ans, championne de patins à glace à seize, une des seules femmes membres du très sélect Artist’s Club, regroupant peintres et intellectuels avant-gardistes new-yorkais... Joan Mitchell est une artiste fascinante, que l’on décrit souvent comme “dure” et “compliquée”, mais qui fut déterminante pour l’évolution de l’expressionnisme abstrait américain.

 

Mitchell grandit à Chicago, puis s’installe à New York après des études de lettres et d’art. Elle pose ses valises dans un studio de la 11th Street, dans l’East Village, berceau de la “Downtown Scene” et de ce que l’on appelle “l’école de New York”, qui n’est pas un mouvement constitué mais plutôt une approche de l’expressionnisme abstrait partagée par de nombreux artistes dont Pollock, Motherwell, de Kooning, Rothko, Kline, ou Still.

 

À New York, elle enchaîne les soirées à la Cedar Tavern en compagnie des membres du Club, elle expose dans la galerie de Leo Castelli et passe ses étés dans les Hamptons. Dans son studio elle rapporte des souvenirs de paysages, une impression ressentie face à la beauté de la nature. “Je peins”, disait-elle en 1986 dans un entretien avec le critique Yves Michaud, “d’après des paysages remémorés que j’emporte avec moi et le souvenir des sentiments qu’ils m’ont inspirés et qui, bien évidemment, sont transformés ”, et encore : “ Je préfère laisser la nature à elle-même. Je n’entends pas l’améliorer, je ne pourrai jamais la refléter. J’aime mieux peindre ce qu’elle me laisse en dedans.” Avec une liberté du geste saisissante, un goût exquis pour les couleurs pures, elle met sur toiles, à coups de pinceaux énergiques, le monde végétal et ses souvenirs.

  

Mais New York l'étouffe. Elle devient caractérielle et cruelle, parfois capable de faire fondre en larmes un ami lors d’un dîner, elle enchaîne les excès et tente même de se tuer. Elle fuit les États-Unis en 1959 et trouve refuge en France. C’est là qu’elle rencontrera l’artiste Jean Paul Riopelle qui partagera sa vie pendant plus de vingt ans. Ensemble ils s’installent à Vétheuil, petit village des boucles de Seine qui accueillit Claude Monet quelques décennies plus tôt. Entourée de cette nature qu’elle aime tant, elle connaît la période la plus prolifique de sa carrière : dyptique, tryptique et même une série de vingt-et-une toiles intitulée “La Grande Vallée”, Mitchell ressent l’urgence de peindre et de traduire ce qu’elle éprouve. En 1974, elle confiait à la curatrice Marcia Tucker : “La musique, les poèmes, les paysages et les chiens, ce sont les sujets qui me donnent envie de peindre… Et peindre c’est ce qui me permet de survivre.” Malgré les difficultés et les obstacles, c’est cette énergie, cette soif de vivre, cet émerveillement devant le Beau qui transparaît au travers de coups vifs et harmonieux apposés par Joan Mitchell sur ses immenses toiles.