Lorsqu’Amoako Boafo débute sa série de portraits intitulée “Black Diaspora” en 2018, il est loin d’imaginer l’engouement que va susciter son travail. Ses peintures, il les réalise à Vienne, où il vit et crée depuis quelques années, où, pendant longtemps, il a lutté pour se faire exposer. Les galeristes de la capitale autrichienne s’expliquent gauchement ; ils n’ont malheureusement pas de place pour l’art africain dans leur programme... d’autres lui conseillent plutôt de peindre des portraits d’hommes blancs s’il souhaite un jour vendre une toile. Mais, au lieu de décourager l’artiste, ces rejets vont le motiver et le pousser à produire. Pour se faire une place dans cette ville qui le rend invisible, Boafo décide d’utiliser de très grands formats, il veut prendre de l’espace, obliger les galeristes et spectateurs à regarder ces hommes et ces femmes à la peau noire dont il peint les portraits.
Avec ses tableaux, Boafo donne de la visibilité aux membres de sa communauté et de sa génération, aux amis ou connaissances qu’il a rencontré à Vienne, Berlin ou Ghana dont il est originaire. Empruntant les techniques et lignes sinueuses de l’autrichien Egon Schiele, isolant les silhouettes sur des fonds monochromatiques et colorés, jouant avec les contrastes et utilisant ses doigts pour travailler les nuances des peaux noires, Boafo révolutionne peu à peu la technique du portrait. Les détails superflus ou décoratifs sont supprimés, l’attention est entièrement focalisée sur le visage des sujets, leurs poses, leurs attitudes solennelles et sereines.
Avec cette série hors format, le révélation de Boafo est fulgurante et retentissante. Toutes ses toiles se vendent lors de la Fiac 2019 puis, dans la foulée, il s'envole pour Miami où, reconnaissance ultime, il fait partie des artistes en résidence dans le musée privé de la famille Rubell, collectionneurs américains dénicheurs de talents. Son “solo show” à Art Basel, en plein mouvement Black Lives Matter, signe définitivement la consécration de l’artiste. Cassant les codes et du bout de ses doigts, Amoako Boafo, nouvelle comète du monde de l’art, est devenu le deuxième artiste Africain le plus coté au monde, tout en réalisant son rêve : redonner de la dignité à ses sujets.