Parmi les chefs d'œuvres qui ornent les murs du MoMa dans le quartier de Midtown à New York, se cache le tableau d’un des pionniers oubliés de l’abstraction, le peintre tchèque Frantisek Kupka. Parisien d’adoption, ancien étudiant aux Beaux Arts de Prague et de Vienne, médium à ses heures perdues, pacifiste et végétarien… cet artiste, souvent méconnu du grand public, a traversé la première moitié du vingtième siècle dans l’ombre de Mondrian ou Kandinsky. À des milliers de kilomètres de son pays originel, la Bohême orientale, sa toile "Madame Kupka dans les verticales" siège au cœur d’un des plus beaux musées du monde.
Cette huile sur toile, d’une richesse inouïe à bien des égards, montre comment Kupka réussit à faire coexister dans la même peinture des aspects figuratifs et non figuratifs. On y distingue un visage, clin d’oeil à Klimt qu’il admire et qui l’inspire, mais la silhouette de sa femme disparait derrière des bandes verticales au chromatisme subtil, passant ainsi dans l’abstraction la plus totale. L’artiste, qui ne peut vivre sans musique, explique son travail ainsi : “Je peins des conceptions, des synthèses, des accords”. On visualise d’ailleurs dans ce rideau de bandelettes aux teintes chaudes qui parsèment la toile, une multitude de fragmentations sonores, sortes de barres de mesure ou oscillogrammes colorés. Kupka réussit donc l’exploit complètement avant-gardiste de traduire le son en image. Et lorsque l’on prête attention aux ellipses, aux courbes sinusoïdales ou aux cercles qui composent ses monumentales toiles, on réalise que Kupka donne vie à la musique. Pour notre plus grand plaisir.