Il n’a pas toujours été évident de citer une femme artiste, encore moins lorsque l’on parle d’abstraction. Le Centre Pompidou nous offre, enfin, l’occasion de rattraper nos lacunes et de découvrir celles qui manquèrent tant de visibilité et de reconnaissance à une époque où l’abstraction était l’apanage des hommes. Voici quelques-unes des cent-dix artistes plasticiennes présentées à l’occasion de cette exposition-fleuve foisonnante et marquante qui permet de réévaluer l’importance de la contribution des femmes dans l’Histoire de l’art.
Georgiana Houghton
Cette artiste anglaise du 19ème siècle, qui cherchait à représenter l’au-delà et le transcendant, fut extrêmement précoce dans l’invention d’un langage abstrait. On découvre, au fil de l’exposition, une de ses aquarelles sur papier faite d’enchevêtrements de lignes colorées et de perles de gouache blanche. Ces formes, absolument radicales pour l’époque, lui furent inspirées par ses dons de médium. Houghton travaille avec un processus automatique, se laissant guider par des influences spirituelles lors de séances, une démarche qui fut d’ailleurs reprise par les surréalistes au 20ème siècle.
Sophie Taeuber-Arp
Actrice majeure de l’histoire de l’abstraction au 20ème siècle, Sophie Taeuber-Arp a été formée aux Arts décoratifs avant de réaliser des tapisseries “Dada” et de nombreuses créations textiles géométriques qui deviendront sa signature. Elle ira par la suite vers un dépouillement total de ses œuvres, tout en cherchant à toujours préserver une juste harmonie. Taeuber-Arp fut très libre dans l’utilisation des médiums, allant de la robe aux bougeoirs en passant par le mobilier.
Barbara Hepworth
Sculptrice anglaise, Barbara Hepworth réalise des œuvres abstraites dès les années 30. Ses sculptures associent formes organiques et géométriques et lui sont inspirées par son amour très fort pour la nature et notamment pour la mer qu’elle observe inlassablement depuis sa maison de Cornouailles ou en Cyclades où elle passe de nombreuses vacances. Le travail de Hepworth, recherche permanente de l’intemporalité, réussit la parfaite fusion de l’humain et du paysage.
Lee Krasner
Longtemps cantonnée dans le rôle de l’épouse de l’expressionniste abstrait Jackson Pollock, Lee Krasner est de plus en plus reconnue à sa juste valeur. Depuis quelques années, ses rétrospectives s'enchaînent et son marché s’envole. On se rappelle cette remarque, faite par l’artiste cubiste allemand Hans Hofmann, et mise en exergue au début de l’exposition du Centre Pompidou, à propos du travail de Krasner : « C’est si beau qu’on ne croirait pas que c’est fait par une femme »...
Lynda Benglis
Affiche de l'exposition, la photographie de Lynda Benglis publiée dans le magazine « Life » en 1970, montre l’artiste en pleine création. Son travail consiste ici à répandre des traînées de latex liquide et flashy sur le sol. Benglis décrit ses performances, mélange de peinture et sculpture, comme des “fallen paintings” autonomes, trouvant librement et instinctivement leur forme. Son processus créatif choqua et bouleversa le monde de l’art et de l’abstraction dans les années 70. Ce goût du scandale, cette si intense liberté, c’est ce qui nourrit encore aujourd’hui la postérité ! Il était temps que l’Europe découvre enfin le nom de cette artiste scandaleuse et majeure.