Avec un corpus d'œuvres étonnamment vaste et polyvalent, une carrière qui s'étend sur plus d'un demi-siècle, des toiles éparpillées dans les musées du monde entier, Gerhard Richter compte sans aucun doute, aux côtés de Titien, Rubens, Matisse ou Rothko, parmi les plus grands artistes de l’Histoire. De ce titan de l’art on connaît les paysages majestueusement abstraits, les aplats démonstratifs, les juxtapositions de textures et les couleurs brûlantes. Un rapide coup d'œil permet d’identifier et reconnaître son génie ; cette manière si unique qu’il a de manipuler les pigments, les pinceaux, la surface peinte.
Tout aussi connu et pourtant si différent, son travail sur les photos-peintures hyper-réalistes débuté au milieu des années 1960. Sa méthode consiste à projeter un polaroïd tiré de sa collection personnelle, ou une photographie découpée dans le journal du matin, sur une toile et à en tracer les contours exacts. Il reproduit ensuite l'aspect de la photographie originale en utilisant la même palette de couleurs sur la toile. Puis, dans un style devenu sa marque de fabrique, il estompe les couches supérieures afin d’apporter à l’ensemble une douceur floue. Par cette pratique Richter rejette les opposés binaires qui définissent si souvent la pratique de l'art - abstraction contre figuration, art conceptuel contre art décoratif, ou peinture contre photographie. Dans son processus créatif, la photographie est intrinsèquement liée à la peinture.
Les centres d'intérêt de Richter sont très variés : photographies de l'Holocauste, clichés familiaux, clichés pornographiques, photographies de terroristes, maisons, visages, paysages, portes et, enfin : fleurs. Bien sûr, qu'il s'agisse de symboles de fertilité ou de mortalité, de pureté ou de sexualité, d'amour ou de perte, les fleurs ont une place toute particulière dans l’histoire de l’art. Mais celles-ci sont différentes. Spéciales. Elles paraissent inatteignables et étranges. Plus qu’un représentation hyperréaliste, ces créations si singulières relèvent davantage de l’impression, du souvenir que l’on a de la fleur ou du bouquet. Elles semblent insaisissables, éphémères et fugaces, telles les moments clés, les images, les visages que l’on aimerait graver à jamais dans sa mémoire mais qui pourtant, au fil du temps nous échappent. Richter, lui, arrive à capturer ces instants si fugaces et à leur octroyer toute la grandeur qu’ils méritent.