Chef de fil du design radical italien, emblème des années 80, fondateur du mouvement Memphis, beatnik, yogi et philosophe, Ettore Sottsass est au cœur d’une rétrospective d’envergure au Centre Pompidou. Jusqu’au 3 janvier 2022 cette exposition remarquable réunit plus de quatre cents de ses œuvres et retrace toute sa vie créative, en couleurs fortes et en géométries asymétriques. Si l’on connaît déjà le travail de l’artiste, ce périple chronologique est l’occasion de se replonger dans cet inventaire multicolore composé de matériaux à motifs organiques et cosmiques, de graphismes en tout genre, de design gai, pop et énergisant.
Ces formes, qui marquèrent à jamais les années 80 et les designers du monde entier, s’affirment dans l’espace et dans l’environnement comme les réceptacles des “expériences émotionnelles” d’Ettore Sottsass. Dans des formes sévères et des matières épurées, on découvre une jeunesse marquée par le fascisme italien et sa rigidité froide. Plus loin, on devine le premier voyage en Inde en 1961. Une révélation pour l’artiste qui découvre là-bas que tous les gestes des orientaux sont des “actes cosmiques”, sacrés ou religieux. Il y apprend aussi que même les matériaux les plus pauvres sont soumis à des tensions magiques et peuvent ainsi devenir sources de raffinement. Ce voyage sera fondateur pour le designer. D’Inde il ramène en Italie de la couleur, des motifs, des matériaux et un engagement : celui de donner du sens à son travail.
Plus tard soigné en Californie pour une très grave maladie, il se lie d’amitié avec les membres de la Beat Generation et adhère à leurs concepts d’élargissement de la conscience et de révolution pacifique. À partir de là, les créations de Sottsass cherchent à soigner. À soigner la planète, comme lors de sa première exposition personnelle à Stockholm où il offre sa vision d’une nouvelle planète fraîche sans pollution ni corruption. Mais également à soigner les hommes et leurs consciences. Son rêve est d’organiser l’espace de manière à ce qu’il soit : “une drogue pour la conscience, un catalyseur de la libération du contrôle de la pensée”. Pour lui, il faut prendre conscience des microscopiques gestes du quotidien et réaliser à quel point certains objets nous aliènent, nous conditionnent à un état de satisfaction lié à la possession. Les formes, meubles ou sculptures de Sottsass cherchent, selon ses mots, à “rétablir notre relation au cosmos”, un enjeu avant-gardiste, engagé et positif qu’il est essentiel de rappeler dans notre société ultra-consommatrice.
Un objet, lorsqu’il est créé ou utilisé, devrait toujours apporter “de la fantaisie, de la surprise et de l’indépendance”.