Sheila Hicks - Art Textile
Le textile, la tapisserie, la broderie, voilà autant de médiums ancestraux et multi-millénaires longtemps considérés comme des activités ou des passe-temps exclusivement féminins. Le travail du fil et de l’aiguille, associés à l’univers domestique auquel une grande majorité de femmes ont été assignées pendant des siècles, cristallise l’ambivalence de ce médium, à la fois symbole d’exclusion et de savoir-faire spécifiquement féminin. Homère, dans l’Odyssée, donne d’ailleurs au personnage de Pénélope, qui tisse et détisse son ouvrage à l’infini, une représentation archétypale du féminin : patience, obéissance, modestie et invisibilité.
Mais, petit à petit, les artistes-femmes du monde entier apprennent à détourner le travail du fil : d’instrument d’oppression méprisé, il devient instrument de leur libération. Il faudra encore attendre la fin des années 60, et l’exposition Wall Hanging présentée au Museum of Modern Art de New York, pour que des œuvres textiles soient exposées dans un musée d’art. Ce seront des artistes comme Sheila Hicks (née en 1934) qui décideront de se réapproprier ce médium et d’en redéfinir le langage codifié. Son travail mariant à la fois traditions non occidentales, formes typiques du modernisme, couleurs, matières et textures, tout en remettant en cause les catégories artistiques et leurs hiérarchies convenues.
De petits ouvrages discrets sur lesquels on se penche minutieusement et inlassablement les œuvres deviennent monumentales. Elles s’affranchissent des murs, envahissent l’espace et se détournent de la technique traditionnelle. C’est ce qu’Aline Dallier (née en 1927), une des premières historiennes de l’art en France à s’intéresser à l’art des femmes, nomme dans les années 1960 “l’art textile” ou le “Soft Art”, et les femmes qui le pratiquent, les “Nouvelles Pénélope”.