Support-Surface

L'exposition en cours à la galerie et la mise en valeur du travail de Kees van de Wal m'a donné envie d'écrire quelques lignes sur un mouvement artistique que j'aime beaucoup : support-surface. 
Le mouvement Support/Surface est né en France à la fin des années 1960, dans un contexte de réévaluation des principes artistiques traditionnels. Formé par un groupe d'artistes principalement issus du sud de la France, comme Claude ViallatLouis CaneDaniel Dezeuze, et Patrick Saytour, ce mouvement se distingue par son approche radicale de la peinture et son désir de repenser la matérialité de l'œuvre d'art. Le nom même du groupe "Support/Surface" fait référence aux deux éléments fondamentaux de la peinture : le support (la toile) et la surface (la peinture appliquée).
Au cœur de leur démarche se trouve une déconstruction des conventions picturales : les artistes de ce mouvement mettent de côté l'idée traditionnelle du tableau comme un objet sacré, porteur d’une représentation ou d’un récit. Ils se concentrent plutôt sur les composantes matérielles de l'œuvre d'art. Ils éliminent souvent le cadre et déconstruisent la toile, la coupant, la pliant ou la suspendant librement. Les peintures ne sont plus tendues sur un châssis rigide, mais parfois simplement accrochées ou posées au sol, mettant en évidence leur nature physique et leur structure.
Influencé par des courants comme le minimalisme américain et la théorie de la déconstruction, Support/Surface partage aussi des affinités avec lart conceptuel. Ce mouvement se pose en réaction aux excès de la figuration et de l'abstraction lyrique des décennies précédentes. Les artistes de Support/Surface interrogent le rôle du geste de l'artiste, et la peinture devient souvent un processus mécanique et répétitif, dénué de toute prétention narrative ou psychologique.
Par exemple, Claude Viallat est célèbre pour ses empreintes répétées sur des toiles non tendues, souvent découpées ou colorées avec des teintures textiles. Ses œuvres, presque textiles par leur matérialité, évoquent une peinture débarrassée de toute illusion de profondeur ou de représentation. De même, Daniel Dezeuze explore la structure du support en créant des œuvres à partir de matériaux non conventionnels comme des grilles métalliques ou des filets, remplaçant la toile par des structures ouvertes, réduites à l’essentiel.

Le mouvement Support/Surface a aussi une dimension théorique importante, les artistes étant fortement impliqués dans la réflexion critique autour de leur travail. La revue Peinture, Cahiers théoriques, fondée en 1971, sert de plateforme pour la diffusion de leurs idées et de leurs manifestes. L’art n’est plus seulement une question de production d’objets mais devient un lieu de pensée, un champ d’expérimentation intellectuelle où les notions de perception, de langage, et de matérialité sont interrogées.
Bien que le groupe se soit dissous au début des années 1970, l’héritage de Support/Surface est encore très présent dans l’art contemporain. Leurs explorations autour de la matérialité et du geste continuent d’inspirer de nombreux artistes, et leur approche critique de l’objet d’art reste un point de référence majeur dans les réflexions sur la peinture contemporaine.