Gagosian, At One

Une visite à At One, qui réunit installations, sculptures et prototypes rares de James Turrell (né en 1943), s’apparente à un pèlerinage moderne. Ceux qui acceptent de se rendre à l’espace Gagosian de Dugny, situé en banlieue dans un ancien hangar, découvrent la plus grande exposition européenne de l’artiste en 25 ans, ouverte du 14 octobre à l’été 2025. Plus qu’un hommage à une vie de création, At One témoigne de l’élan créatif intact de Turrell, aujourd’hui âgé de 81 ans, et de son intérêt inébranlable pour la lumière comme médium, sujet, et objet de contemplation.

Les termes « sculpture » ou « installation » semblent insuffisants pour décrire l’œuvre de Turrell, qui transcende l’objet pour offrir des expériences méditatives et immersives. Bien que son style ait été largement repris et que ses œuvres soient présentes dans des lieux aussi divers que la maison de Kendall Jenner à Los Angeles ou une école privée à Manhattan, Turrell demeure détaché de toute notion de marque personnelle. Sa carrière, qui s’étend sur plus d’un demi-siècle, est guidée par une quête de ce qu’il appelle « la nature de la lumière » et sa capacité à nous connecter au sublime. Comme l’explique l’artiste, son objectif est de créer des situations où il « vous emmène et vous laisse voir », transformant ainsi son œuvre en une expérience personnelle pour chaque spectateur.

Les créations de Turrell résistent aux classifications. Ses hologrammes, intégrés à leur environnement, effacent la frontière entre architecture et objet, intérieur et extérieur. Chaque œuvre, comme Either Or (2024), plonge le spectateur dans une expérience multisensorielle immersive, comparable à une plongée dans les profondeurs marines. Certaines installations utilisent des éléments synthétiques, comme le béton, combinés à des sources naturelles de lumière, pour créer des environnements uniques. Par exemple, Meeting, au MoMA PS1 de New York, dirige le regard vers un ciel dégagé grâce à une architecture soigneusement modifiée. Turrell attache une grande importance à la clarté visuelle : en 2019, il a fait fermer temporairement cette installation lorsque des travaux de construction à proximité ont gêné la vue, insistant pour que la perspective soit rétablie avant la réouverture.

L’exposition At One dévoile également des croquis, plans et photos témoignant du travail colossal de Turrell sur le Roden Crater, un projet qu’il mène depuis les années 1970 dans le désert de l’Arizona. Ce site monumental, qui comprendra 24 espaces d’observation et six tunnels, est conçu pour transformer la lumière et le ciel en une œuvre d’art. Inspiré par les structures des civilisations mayas, égyptiennes et incas, le Roden Crater incarnera un portail d’observation qui rendra le ciel infini. En présentant les documents préparatoires de ce projet, l’exposition illustre l’ambition de Turrell tout en traduisant une œuvre d’une ampleur inouïe dans un cadre accessible. Ces archives, empreintes d’optimisme et de détermination, rappellent que la carrière épique de l’artiste est toujours en pleine évolution.

At One est ainsi à la fois un hommage au parcours exceptionnel de Turrell et un aperçu inspirant de ce qui reste encore à venir.