Hier soir, je regardais le documentaire sur Elmyr de Hory, le plus grand faussaire de l'histoire de l'art. Il a inondé - avec l'aide d'autres complices - le marché de centaines de faux tableaux des plus grands maîtres du XXème siècle.
Le reportage démarre par une vidéo d'Elmyr en train de faire un Matisse, en 15 minutes. C'est déconcertant : le réalisme de la réalisation et l'aplomb du personnage qui explique sa difficulté à avoir un tracé hésitant comme l'artiste. Par ailleurs, il ne copie pas un tableau existant mais en créé un de toute pièce en reprenant les codes de l'artiste (symboles, couleurs,
Elmyr de Hory est en fait Elmyr Hoffman (même son nom a été inventé). Originaire de Budapest et issu d'une famille modeste - il a même fait un faux portrait de son enfance, habillé en marinière avec des petites socquette... Il fuit la Hongrie pour arriver en France en 1966 et étudie au milieu des plus grands à la grande chaumière, dont Fernand Léger qu'il observe. Il commence donc quand même par peindre ses propres tableaux, qui n'intéressent personne...
Suite à plusieurs mois de galère, à enchaîner des petits larcins pour survivre, il est en emprisonné 16 mois en France, à l'issu de quoi il retourne en Hongrie. La seconde guerre mondiale démarre et il est envoyé dans un camp transsibérien pour son homosexualité (personne ne soupçonne son judaïsme). L'histoire raconte qu'il est libéré après avoir fait un beau portrait du chef du camp nazi.
Après des mois dans l'ombre pour se faire oublier, il regagne la France avec des faux papier en 1945 et s'installe dans un minuscule studio au rez de chaussée de la rue Jacob.
Il rencontre en 1946 une riche anglaise qu'il va convier dans son appartement où il avait fait un dessin "dans le style" de Picasso. Ne doutant pas de son authenticité, elle décide de l'acheter.
C'est le début de sa vie de faussaire.
Il écume alors les expos de Pablo et des autres maîtres (ses favoris semblent être Modigliani, Matisse, Dufy et Léger) et tous leurs bouquins. Il s'entraîne et insiste, "il ne copie pas, il peint dans un certain style". De Stockholm à Rio, il vend des centaines de faux à des galeristes de renom. Poursuivi un peu partout et lasse de sa vie "en cavale", il part aux Etats-Unis en 1947 avec l'envie devenir un grand peintre et une grande galerie lui offre sa premier expo, au côté de Chagall et Dufy, imaginez la fierté de l'animal...
Un seul tableau sera vendu pendant cette exposition et vexé il reprend ses mauvaises habitudes et va voir un des plus grands galeristes new-yorkais à l'époque : Perls, avec un carton de faux de divers artistes. Normalement, la combine fonctionne toujours : il se présente comme un gentleman qui a besoin d'argent, héritier de quelques dessins d'un vieil oncle et on y voyait que du feu... Pas de chance cette fois ci, Perls remarque que tous ces tableaux ont été peint par la même main et le dénonce...il est de nouveau en cavale, recherché par le FBI et part s'installer en Californie.
Il y rencontre Fernand Legros, un mondain, ancien danseur de ballet, bling bling, extravagant et très opportuniste. Elmyr ne peut plus être en frontal avec les acheteurs et ils se mettent alors d'accord : Elmyr fabrique des faux et garde 60% des bénéfices et Legros les écoule. Le business est une machine à cash : le réseau de Fernand est une manne. Il met en place un processus parfaitement rôdé en obtenant de vrais certificats en passant par les douanes notamment et en arrivant à mettre des faux tableaux dans de vrais catalogues d'expo.
Elmyr est toujours traqué aux Etats-Unis et doit s'enfuir..il part pour une petite île peu bruyante à l'époque : Ibiza. Il trouve enfin de la tranquillité dans ce refuge où il a une grande maison sur l'eau et un atelier caché dans la falaise. Il est la plaque tournante de l'île, tout le monde vient faire la fête chez lui le soir : Belmondo, Ursula Andres, et toute la jet set de l'époque.
L'association explosive des deux escrocs est ébranlée en 1966 quand Legros vend 50 tableaux pour 1,5 M$ à un milliardaire texan qui souhaite constituer sa collection : Chagall, Modigliani, Matisse, etc. Parmi les 50 tableaux, 44 sont faux ! Le riche milliardaire, fier, montre sa collection à Perls qui reconnaît Elmire ! Le texan fait alors éclater le scandale et poursuit Legros et Elmyr, qui nient le fait d'avoir travaillé ensemble et rejettent la responsabilité sur les experts qui attestaient l'authenticité des oeuvres. Ils feront chacun des mois de prison et ne se reparleront plus jamais.
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