Jean-Michel Basquiat & Egon Schiele s'exposent à la fondation Louis Vuitton.
On peut parler de deux expositions distinctes tant elles n'ont rien à voir l'une avec l'autre. La première présente une centaine d'œuvre d'Egon Schiele ; elle occupe la Galerie en rez-de-bassin ; on commencera par celle -ci si l'on souhaite obéir à la chronologie.
J'ai commencé par la plus dense, celle qui se concentre sur Jean Michel Basquiat qui déploie son immense talent sur les quatre niveaux de la Fondation Vuitton, avec souvent des très grands formats.
Il ne s'agit donc pas d'un tête à tête entre les deux hommes ils sont juste liés par un certain nombre de points communs : Egon Schiele (1890-1918) a ouvert le siècle à Vienne... Jean -Michel Basquiat (1960-1988) l'a fermé à New-York. Dessinateurs hors-norme, les deux ont un mentor : Klimt pour Schiele , Warhol pour Basquiat ; l'un se voit comme un prophète, l'autre comme un héraut de la cause des artistes noirs et tous deux ont un but : celui de déranger, de bousculer leur contemporain. On sent chez les deux artistes une grande détresse, on la devine dans le trait du dessins ; ils ont l'un comme l'autre un rapport sensible aux mots et à la poésie et tous deux ont écrit. C'était " deux mauvais garçons ". Schiele avec ses dessins crus et corrosifs, est soupçonné de pédophilie, Basquiat est mort d'une overdose. Enfin, les deux sont morts jeunes, à 28 ans, et ils sont devenus en l'espace de quelques années déterminants dans l'histoire de l'art du XXe siècle : au premier coup d'œil, on les reconnaît .
C'est la première exposition d'Egon Schiele à Paris depuis vingt cinq ans (on célèbre en 2018, le centième anniversaire de sa mort). Elle réunit une centaine d'œuvre, la plus part issues de collections particulières. On retrouvera dans la première salle l'influence " ornementale " de Klimt, puis on appréciera son style expressif très singulier : son dessin se caractérise par les distorsions et les déséquilibres anatomiques qui " dérangent " l'œil ; la couleur aquarellée , rehausse les détails des corps dénudés et heurte à dessein la sensibilité du spectateur. Son trait lui appartient, c'est précis, violent, cru et beau.
Basquiat c'est un régale ; on en connaît beaucoup mais certains tableaux sont inédits. Prodigieux dessinateurs, son trait est unique par sa vitalité comme par sa nature destructrice. C'est un grand coloriste, et le regard s'amuse à décrypter sa peinture : collages, dessins, images, mots répétés, déformés... on peut passer des heures à regarder une toile ; le message est pourtant souvent le même ; Basquiat s'approprie avec rage les enjeux sociaux et économiques de son époque. Il cherche à donner au corps noir sa légitimité physique, politique et symbolique ; il se confronte au racisme persistant, à la violence, à l'exploitation, à la société de consommation... Il couronne la mort et joue avec les mots... Il faut deviner le message !
C'est une très belle exposition qui me donne envie d'y retourner avec le sentiment que quelque chose m'a échappé... Et quelque chose m'a forcément échappé.