Mai 2019. Chaque année ce mois a une résonance particulière pour le monde l’art. Foires, expositions, ventes prestigieuses et c’est aussi l’occasion pour le jury du prix Turner d’annoncer les heureux nominés. Cette année, ils sont 4. Lawrence Abu Hamdan, Helen Cammock, Tai Shani, et Oscar Murillo.
Crée en 1984, le prix annuel met en avant de jeunes artistes résidants (ou ayant résidés) au Royaume-Uni. Grand moment pour la scène contemporaine anglaise, on remarquera une tendance à choisir des artistes avec des concepts engagés qui s’éloigneraient presque dans un premier temps, de la matière plastique. Zoom sur un des candidats qui a été retenu pour son art immersif.
Lawrence Abu Hamdan est un artiste né à Amman. Il a vécu en Angleterre où il y a étudié. Actuellement entre Beyrouth et Londres, il a été certifié expert grâce à son travail d'écoute de témoignages des réfugiés travaillant de près avec des ONG telle que Amnesty International. En 2015, il a été commissionné par l’Armory Show pour créer une pièce exclusive, pour cette occasion Vice l’a interviewé (ici).
Aujourd’hui si Lawrence Abu Hamdan a été nominé c’est pour son exposition personnelle "Earwitness Theatre" à la galerie Chisenhale de Londres, ainsi que pour l'installation vidéo Walled Unwalled and performance After SFX à la Tate Modern à Londres.
L'œuvre d'Abu Hamdan explore la politique de l'écoute en donnant de l'importance aux témoignages auditifs dans la reconstitution d'événements invisibles. Le but de son art est de donner la parole aux survivants pour faire vivre ce qu'ils ont vécu, pour reconstruire ce qui ne peut être reconstruit. Donner la parole à ceux qui ont été mis sous silence. A travers les témoignages et les éléments immersifs présents autour de l'endroit où la vidéo est présentée, l'artiste essaye de plonger son audience dans l'horreur : on doit essayer de se projeter, de recréer des pièces, des bâtiments, des détails. Pourquoi travailler sur les sons ? Pour lui, le fait de ne pas pouvoir dire ce que l’on pense va à l’encontre du droit humain.
D'ailleurs, les prisonniers, souvent dans l'obscurité ou les yeux bandés, ont développé des capacités auditives aiguës. L’homme utilise ce sens pour imaginer les lieux dans lesquels ils sont prisonniers. L'artiste les aident « à se souvenir et cartographier l’architecture inconnue de la prison ».
Travaillant de près avec les survivants et les ONG, l'artiste est comme une « oreille privée ».
Un travail entre art et humanitaire, d'ailleurs ses recueils sont utilisés dans les procès.