MOINS d’exigences
«Dans mon métier, l’optique ne peut fonctionner sans l’haptique; le sous-jacent est aussi physique», avance Amélie du Chalard, à la tête de la galerie parisienne Amelie, Maison d’art, qui se retire chaque été dans un mas, en Provence, où elle n’a pas de réseau, juste une connexion wifi depuis le confinement, ce qu’elle regrette amèrement. «À force de ne voir les images que sur écran ou par e-mail, de regarder Instagram le soir et le week-end, etc., j’ai un sentiment de dégoût, de trop-plein visuel, comme si je me délitais, explique-t-elle. J’ai besoin d’un monde où l’écran ne fasse pas écran, justement, avec le toucher, la parole, même si je ne cherche pas l’été quelque chose de bavard. En Provence, on est assez isolés, je ne vois pas grand monde : cela fait qu’on est ensemble, avec mon mari, mes enfants. Je me sens mieux avec eux, et avec moi-même. Je réfléchis beaucoup mieux.» Libéré de l’omniprésence des images, l’esprit s’affranchit aussi du regard des autres - celui qui oblige à bien s’habiller, à tenir son rôle et du regard sur les autres, dont nous observons la vie sur les réseaux sociaux. Moins de comparaisons, de pression, d’exigence: on peut enfin se concentrer sur l’essentiel, dont la définition varie pour chacun. « Ce qui est important... cela peut être de lire certains livres, de nourrir sa spiritualité, de faire du sport, de s’occuper de ses enfants, développe François Bourgognon, psychiatre et auteur de Nuances (First Éditions, 2023). En fait, c’est tout ce qui nous apporte de l’oxygène psychologique dans un monde où nous donnons tout le temps, et où tout nous pousse à nous absenter de nous-mêmes, jusqu’à parfois nous faire perdre la sensation de présence physique au monde, la sensation d’être en vie. »