Voilà à quoi peut ressembler un film lorsqu'une galeriste en vogue réunit art et design. Amélie du Chalard fait dialoguer des pièces de mobilier d'Anthony Guerrée avec les travaux récents de l'architecte et artiste Ludovic Philippon.
Voilà à quoi peut ressembler un film lorsqu'une galeriste en vogue réunit art et design. Amélie du Chalard fait dialoguer des pièces de mobilier d'Anthony Guerrée avec les travaux récents de l'architecte et artiste Ludovic Philippon.
Paris, jeudi matin. Une pluie battante. Le designer Anthony Guerrée nous a invités à venir voir ses nouvelles créations de mobilier pour la société de luxe anglaise De Lo Espada. Le lieu d'exposition est Amélie Maison d'Art. La galerie d'Amélie du Chalard est cachée dans une arrière-cour du sixième arrondissement. Des cartons et des sacs à papier à bulles s'y entassent, un chariot de déménagement bloque la vue. L'entrée est cachée dans une maison en escalier classique de Paris, au fond de la cour. Lorsque la porte s'ouvre, le soleil se lève pour moi Les pièces de presque cinq mètres de haut ressemblent à un appartement lunaire. Des fenêtres géantes s'ouvrent sur un jardin. La façade arrière de la maison de ville ressemble à un château. "Je suis très fier et excité d'exposer pour la première fois mes œuvres pour De La Espada dans notre ville de Paris", nous confie-t-il. Ce n'est pas un hasard si Amélie du Chalard a mis ses locaux à la disposition du designer. Elle a acheté un objet de son premier projet personnel, dans lequel Anthony Guerrée a représenté des personnages du roman de Marcel Proust "A la recherche du temps perdu" sous forme de chaises. Depuis, les deux sont en contact. Je voudrais savoir si c'est différent de travailler pour un client et Guerrée répond : "Pour moi, c'est la même démarche. J'essaie toujours de raconter des histoires différentes. A l'époque, il s'agissait de Proust, aujourd'hui, pour De La Espada, il s'agit d'astronomie et de géométrie". Et plus particulièrement de son rêve récurrent de passer une nuit étoilée dans le parc national de Joshua Tree et de contempler les étoiles fixes du triangle d'été.
"Bien sûr, j'essaie de faire quelque chose dans l'ADN de la marque, mais je le raconte à ma façon. C'est ainsi qu'est né un petit univers. Tous les objets portent des noms d'étoiles et tout tourne autour du thème de la symétrie".
La nouvelle collection, la deuxième pour la marque basée à Londres, comprend deux fauteuils, un bureau et des tabourets ainsi qu'une table à manger géante avec des chaises. Hormis les éléments du canapé, qui portent le nom de "Sirius" et ont été créés en 2022, les nouveautés ont une caractéristique commune. "C'est vraiment particulier", explique Guerrée, qui a étudié à l'École Boulle de Paris et a d'abord travaillé pour Andrée Putman et Christophe Delcourt. "Le bois massif répond à mes exigences.
Mais j'ai d'abord dû me familiariser avec les techniques. L'atelier de De La Espada est le plus bel endroit que j'ai jamais visité. Une telle qualité. La plupart des fabricants de meubles en Europe utilisent des placages pour donner l'impression de bois massif. Mais la plupart du temps, seul le cadre brut est massif et le reste est en placage. Là, dans l'atelier, c'est différent.
C'était un vrai défi pour moi. D'un point de vue technique, j'ai beaucoup appris, car certaines de mes créations n'aiment pas être massivement exécutées. Nous avons tout de même trouvé des solutions, car les ingénieurs locaux adorent ce genre de problèmes.
Et j'ai trouvé le mélange d'artisanat, d'ingénierie et de design fantastique". Ainsi, les nouveautés peuvent être interprétées comme une sorte d'exploration de l'artisanat et de la géométrie, avec leurs lignes audacieuses, presque sculpturales. Une correspondance avec les peintures de Ludovic Philippon, selon la galeriste : "Une forme se détache de son fond avec des couleurs nettes et contrastées et une ligne précise et rigoureuse.
Aucun faux pas n'est toléré, ni dans la couleur, ni dans la forme. Par sa formation d'architecte, Philippon a acquis une discipline technique et artistique et une grande sensibilité". Ses peintures fascinent. Est-ce que ce sont des fleurs, une déchirure ou un ruban que l'on voit là ? Du Chalard répond : "Un jeu de cache-cache avec mes sens. Mais comme le dit Pierre Wat, "le renoncement à la reconnaissance ouvre l'œil", et regarder une œuvre de Philippon, c'est s'évader et laisser son imagination s'emballer". Le peintre et le designer sont liés par leur modestie, leur minimalisme et leurs puissantes créations. Tous deux travaillent en solo - Guerrée ne fait appel qu'occasionnellement à des soutiens. "Mais je ne suis pas seul, je travaille avec des équipes du monde entier".
Comme avec celle de De La Espada. "Ce qui me plaît le plus, c'est d'échanger, même si je suis plutôt timide. Mais le design m'envoie toujours en voyage et je rencontre des gens. Tout cela m'offre la possibilité de m'exprimer de mieux en mieux. D'un point de vue technique, je suis devenu beaucoup plus à l'aise et je peux me concentrer sur la forme et ce que je veux exprimer à travers elle".