Milk décoration

La galeriste parisienne Amelie du Chalard et la curatrice Johanna Colombatti présentent ensemble “Locus Solus ”, une exposition collective librement inspirée du roman fantastique et surréaliste de Raymond Roussel paru en 1914. À voir du 5 au 15 septembre 2024.

L’idée ? La nature reprend ses droits sur l’objet en sept saynètes oniriques, pensées comme un parcours initiatique jusque dans les jardins de la galerie Amelie, Maison d’art, fondée par Amélie du Chalard. On y découvre une vingtaine d’œuvres d’artistes contemporains, comme autant de merveilles du monde enfermées, s’éveillant à la liberté dans un lieu abandonné. Au-delà du rendu spectaculaire, c’est aussi un travail de fond qu’il faut saluer : le repérage et la recherche, la réflexion menant aux œuvres souvent créées pour l’exposition — comme les pièces en fer de Xavier Dumont, à découvrir pour la première la table en fer envahie de végétation de Victor Levai — sans oublier les partenariats avec certaines galeries : les pièces du duo Full Grown prêtées par la Sarah Myerscough Gallery à Londres ou encore de délicates fleurs figées en vases fragiles et mouvants de Shannon Clegg, courtoisie de la galerie Gosserez.

Sept temps nous conduisent à travers ce chemin doucement surréaliste : La Canopée, qui nous accueille avec une œuvre textile monumentale de Diana Orving, “pensée comme un gigantesque cocon, un ciel tissé”, souffle Amélie du Chalard, et surtout inédite dans une galerie qui présente des œuvres murales ou posées au sol ; vient en suite Le Banquet, clin d’œil à La Belle et la Bête de Jean Cocteau – Alice au pays des merveilles et Peau d’âne, serait-on tenté d’ajouter –, dans lequel les pièces grandissent de façon démesurée et prennent leur envol, à l’image d’une chaise en bois tout à fait surnaturelle, créée par le duo de “designers-jardiniers” Full Grown, Kevin et Alice Munro. “Leur processus de création est drastiquement limité, explique Johanna ColombattiIls plantent un arbre, le contraignent par certaines torsions au moment de la pousse pour qu’il prenne la forme d’une chaise, par exemple. Il n’y a aucun travail d’assemblage ni matériau ajouté à la pièce. C’est l’idée d’une symbiose entre l’homme et la nature.” La table, quant à elle, sera garnie d’objets dont fonction et usage seront décalés : des verres en cire de Krystel Liliana Cárdenas ou des couverts aux motifs feuillagés en argent et diamants noirs de Conie Vallese seront autant d’étranges mirages du repas.

Un peu plus loin, dans L’Entrelacs, les céramiques de Marion Benoît, à l’influence Art nouveau, dialoguent avec les œuvres naturelles de Vincent Laval. “Il travaille le bois imputrescible et se décrit comme artiste-marcheur, commente Amélie du Chalard. Il prélève, lors de ses promenades en forêt, des morceaux qu’il assemble ensuite. Le rendu est celui d’une nature sauvage, un peu menaçante.” Dans le Salon de conversation, le mobilier en matériaux composites (métal, résine ou encore papier mâché) de Xavier Dumont nous parle de chuchotements secrets avec un confident aux airs organiques. À l’extérieur, La Cabane d’Agnès Dosmas Krier se présente comme un memento mori grandeur nature ; l’Escalier du temps de Nadine de Garam se fait réceptacle des traces du geste de l’artiste et de l’artisan ; enfin, La Fontaine, fabriquée à six mains par les céramistes Rémi Bracquemond, Victor Alarçon et Nitsa Meletopoulos, constituera une dernière étape, plus méditative encore, de ce parcours fantasmagorique dans une demeure oubliée.

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