ce site utilise des cookies pour vous offrir la meilleure expérience.
hjksdhskhdskhdh
Il y a 0 produits dans votre panier. Il y a 1 produit dans votre panier.
CONNEXION / INSCRIPTION Bonjour
MON COMPTE
FAVORIS
PANIER
Retour
TRANSCRIPTION
Qu’est-ce qu’on peut faire quand on est peintre mais que l’on est confiné ? Des papiers découpés.
C’est ce que fit Matisse à partir de 1941, après qu’une opération chirurgicale l’ai obligé à rester chez lui, rendant la position debout devant son chevalet extrêmement douloureuse. Enfermé chez lui, ne pouvant peindre avec les moyens classiques de la peinture; Matisse, se lance donc dans une pratique qui a l’allure d’un jeu d’enfant : il commence par recouvrir du papier de gouache, uniformément, puis assis dans son fauteuil il découpe ce papier très vite les bras en l’air afin de faire surgir des formes qu’il va ensuite assembler soit en les punaisant soit en les collant. Ça a l’air très simple dit comme cela et de fait on a l’impression que Matisse ne fait rien, bien au contraire, pour démentir cette impression tant le côté ludique de cette pratique, le côté joyeusement coloré de ces papiers gouachés, le côté simple décoratif des formes découpées, tout semble évoquer une sorte de jeu d’enfant.
On connaît, tout le monde connaît, le grand reproche fait à l’art moderne, « mon enfant de 5 ans pourrait faire la même chose » , loin de protester contre cela, on a la sensation que matisse se plaît à en jouer pour montrer toute la qualité d’émerveillement qu’il y a dans l’oeil de l’enfant. Qualité si dure à retrouver lorsque , comme lui, on est un homme ayant dépassé les 70 ans. C’est Pablo Picasso, grand ami et rival choisit de Matisse pendant toute sa vie, affirmait : « A 12 ans je dessinais comme Raphaël et j’ai mis des années à dessiner comme un enfant. »
Au fait, est ce que c’est facile de découper de telle forme dans du papier coloré ? A poser la question on a déjà un début de réponse. C’est redoutablement difficile et il faut toute l’incroyable virtuosité de Matisse, ces dizaines d’années passées à dessiner, à peindre et à sculpter pour que la main arrive à imposer au lourd ciseau la forme voulue par l’artiste.
Bientôt, après la période des papiers découpés, Matisse va pour élaborer son oeuvre ultime, ce grands chefs d’oeuvre qui n’est autre que la décoration de la Chapelle du Rosaire à Vence, alors qu’il vit désormais en fauteuil roulant, Matisse donc va peindre, qu’à cela ne tienne, en accrochant son pinceau au bout d’un très long bâton.
C’est ça l’effet de la contrainte sur les vrais artistes, ça suscite l’invention, non pas pour compenser la difficulté de la situation, essayez de peindre en accrochant votre pinceau au bout d’un long bâton, vous verrez, mais tout au contraire pour faire oeuvre à partir de la.
Ce que je ne peux empêcher je dois en faire quelque chose. Que fait Matisse donc dans ce papier collés ? Il agit en peintre, les papiers colorés à la gouache lui servent de palettes : il y a du jaune, ici du vert, de l’orange sur trois bords à la façon d’une fenêtre ou d’un cadre, et puis tiens du violet et du bleu, du blanc, qui viennent rythmer la surface de façon musicale. Qu’il découpe ou qu’il peigne, Matisse utilise le même art des contraste entre formes géométriques, rectangle vert, forme en U orange, bleue et blanche; Et puis forme organique au contraire, qui semble évoquer le monde des plantes ou de la biologie. Bref le monde du vivant.
C’est difficile à faire, découper dans la couleur, mais ça permet de régler un très vieux problème de peintre : la relation du dessin et de la couleur. Antique débat qui préoccupe depuis des siècles les académies, on parle de querelles entre les partisans de l’un ou de l’autre, entre amoureux de Poussin qui représenterai sois disant la ligne, ou de Rubens la couleur, partisans d’Ingres, la ligne, ou de Delacroix, la couleur. Matisse ce vieil enfant peintre, connait parfaitement son histoire de l’art, d’un coup de ciseau il met tout le monde d’accord.
Couper dans la couleur, c’est dessiner et colorer en même temps. Lorsque l’on croit que Matisse s’éloigne de la peinture, il la révolutionne. Formes, couleurs, rythmes, décors, tout l’art d’Henri Matisse se condense dans cette oeuvre.
Elle appartient à un ensemble, un ensemble de papiers découpés, qui vont servir de maquette pour un livre au pochoir que le peintre va concevoir juste après la Seconde Guerre Mondiale. Son titre, très célèbre, « Jazz ». Le jazz, un art du rythme, du jeu, une improvisation savante qui elle aussi renvoie à une forme d’enfance de l’art. A propos de Jazz, Matisse dit que c’est un livre fleur, comme une fleur, il s’ouvre et se ferme, comme une fleur en s’ouvrant il offre formes et couleurs, comme une fleur, il a l’air vivant.
Au fait, le peintre a donné un titre à cette oeuvre-là, à ce collage : « Les Codomas ». Nous voilà bien avancé. L’oeuvre est comme son titre, faussement transparent et ces très bien ainsi, tant que je ne sais pas ce que c’est Codomas veulent dire, je reste libre, je vois des formes colorées, animées par une vie joyeuse, qui réjouit l’oeil et l’esprit. Et quand je sais enfin, quand j’apprends que ces Codomas étaient des trapézistes célèbres; Qu’est-ce que je vois ? Ces U bleus et blancs, ce sont peut être des trapèzes, ces deux formes jaunes ondulantes, les trapézistes. Tandis que cette grille noire sur fond jaune, le filet de sécurité. Oui, peut être, mais le regard de l’enfant, le regard innocent de l’enfant émerveillé, celui que nous avions autrefois, lorsque nous allions au cirque, voire les trapézistes. Ils s’éveillent à quel moment ?
Quand je cherche dans les livres des renseignements sur ce mot inconnu « Codomas », ou lorsque je m’abandonne au jeu que me donne ce vieillard fou de peinture, bloqué dans son fauteuil, avec pour seul outil une paire de ciseaux, de la colle et quelques papiers gouachés.