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Pour regarder une oeuvre d’art, il faut faire attention. Ce n’est pas le cas des images en générales, nous sommes même abreuvés d’images qui ne veulent pas que nous fassions attention, juste que nous nous laissions imprégner distraitement, insidieusement, afin qu’ainsi le message porté par celle ci agisse avec efficacité. Rien de tel face aux oeuvres d’art. La relation est librement consentie, on peut ne pas regarder, mais si l’on regarde il faut le faire avec attention.
Ça veut dire quoi alors l’attention? Je suis devant une oeuvre de Delphine de Luppé et si je me contente de la regarder distraitement, je ne vois rien, du moins pas grand chose, suffisamment pour me sentir égaré. Il y a des images imprimées sur du papier jaunis un peu abîmé, et oui il y a quelque chose de bleu, des dessins griffonnés qui se ressemblent, mais je ne sais pas à quoi ils ressemblent. Et puis, ces dessins ils m’empêchent un peu de voir les images imprimées, puisqu’ils les recouvrent, c’est très gênant. Bref, la seule chose que je vois, c’est que je vois mal. Alors que faire, si ce n’est commencer à essayer de surmonter cette frustration de voir mal en regardant plus.
Ça y est, je fais attention, c’est à ça, avec presque rien, juste un peu de pastel gras, que m’amène Delphine de Luppé. Faire attention c’est prendre le temps. Rester devant ce qui est là. Accepter que la chose ne se livre pas aisément et même peu à peu savourer ce qui à l’origine me frustrait. Alors si je reste debout ou assis, immobile en tout cas et silencieux, et que je regarde en essayant de deviner ce qu’est cette image partiellement recouverte de pastel, que vois-je un peu mieux. Tiens ces deux images sont en fait les deux parties d’une seule image, sans doute tirée d’un vieux livre ou d’un album dont on devine les restes d’une reliure. L’artiste a inversé l’ordre de présentation de ce qui devait tenir sur deux pages. La droite est désormais à gauche, la gauche à droite. Il suffit de pas grand chose pour nous désorienter, il suffit de pas grand chose pour transformer les belles et profondes perspectives de Versailles en des images plates. Ça aussi c’est une question d’attention. Henri Matisse disait, qu’il ne fallait pas oublier que les tableaux sont comme des écrans sur lesquels on finit par ce casser le nez. Belle leçon de lucidité.
Delphine de Luppé laisse à d’autres fabricants d’image le soin de nous leurrer, elle préfère, comme Matisse, nous éveiller. S’éveiller face à une oeuvre c’est découvrir peu à peu, quel plaisir, qu’il y a en elle tant de choses qui ne se livre pas au premier coup d’oeil. Ce bout de mot, par exemple, en majuscule en bas à gauche : RSAILLES. Comme on en trouve des bouts de mot, des fragments de mot dans la peinture cubiste de Picasso et de Braques où il y a des morceaux de slogan publicitaire ou de titre de journaux. Le fameux KUB, pour le Kub or qui a donné le cubisme. Mot tronqué dont la part manquante se trouve ici en bas à droite de l’oeuvre tout à fait de l’autre côté, là où notre regard puisse qu’il est désormais à l’affut va vite le retrouver, VE, Versailles. Ce titre, ces couleurs, regarder c’est aussi se souvenir, se souvenir de ces photos chromo qu’il y avait chez nos grands-parents avec des panoramas de ville ou de site célèbre. « Panorama of the Palais and the Gardens », c’est écrit en bas, en anglais. Et ces mots et ces couleurs, réussissent à transformer le regard en souvenir, donnant à l’oeuvre je ne sais quel parfum de nostalgie qui lui confère une épaisseur nouvelle. Ca pourrait s’arrêter là, sauf que Delphine de Luppé n’a manifestant pas l’intention de nous laisser nous abandonner au délice facile de la nostalgie, sinon pourquoi couper l’image en deux et inverser c’est deux pans, sinon pourquoi surtout ce griffonnage iconoclaste sur cette douce image revenue du passé. J’ai dit griffonnage parce que sur l’ordonnancement classique du château et du parc, ce trait vif, animé, qui semble fui la ligne droite ne rappelle guère ce que nous avons appris de la rigueur géométrique des jardins à la française. Il y a quelque chose de mal élevé dans ce geste, quelque chose d’incorrect, comme ci quelqu’un était venu faire un dessin passage sur une image bien tempérée.
Mais au fait, est-ce qu’il n’y avait pas déjà une forme de violence, certes discrète dans son geste, mais puissante dans son effet, dans cette manière d’extraire une image d’un livre avant de la couper en son milieu. Delphine de Luppé travail en peintre les images déjà là comme le pastel gras sont un matériaux qu’elle travaille à son usage. Elle coupe, elle réassemble, elle dessine. Tantôt, elle rend visible, tantôt elle aveugle. Quelle meilleure manière de capter notre intention qu’en nous rendant sensible à la complexité des images. Prenons ce pastel gras, d’un beau bleu lumineux, est ce qu’il vient recouvrir les bosquets impeccable du génial jardinier Le Nôtre au point de nous les cacher ou est ce qu’il agit comme une sorte d’échafaudage. Une structure temporaire, rajoutée à ce jardin construit afin d’en rendre visible l’organisation sous-jacente. Et bien les deux à la fois. Il cache, il montre. L’oeuvre, appartient à une série de travaux que Delphine de Luppé qu’elle a nommé théâtre, un manière, peut-être, de rappeler que Versailles est le décor de la monarchie absolue, manière surtout, de nous rappeler que pour ne pas être dupes des images et de leurs illusions, il faut faire attention.