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CONNEXION / INSCRIPTION Bonjour
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Ça veut dire quoi regarder, ça veut dire quoi regarder vraiment, lorsque nous nous trouvons face à ce que nous n’avons jamais vu.
Installons nous devant ce tableau, il est assez grand, 1,46 m de haut sur 1,14m de large. Un format rectangulaire étiré en hauteur, il donne envie de se tenir debout, je ne sais pas de qui il est, je ne sais pas ce que c’est, mais je me pose la question, c’est peut être même ce que je fais en premier, me poser cette question. Regarder pour commencer ça veut souvent dire reconnaitre. Non pas voir mais chercher à savoir de quelle nature est ce que je vois. Lorsque j’étais adolescent, je suivait des cours de sculpture dans un atelier, nous faisions du modèle vivant, du nu en terre, notre professeur nous répétait toujours une chose qu’il avait même écrite sur le mur : « Il ne faut pas que la prévision tue la vision ». C’est vrai mais c’est difficile, tant nous sommes rassuré de trouver dans le visible ce que nous croyons y avoir reconnu. C’est bien d’être rassuré mais ça n’aide pas à voir.
Alors là, je vois quoi au début maintenant que je suis debout devant ce tableau vertical, je vois quelque chose qui semble faire motif, c’est rose, c’est charnelle ça ressemble à une fleur a la façon de ces fleurs de magnolia qui fleurissent au printemps, en ce moment, roses et charnues sur les arbres des jardins. Ça ressemble à ça, aux fleurs que j’ai vu dans la nature comme à celle que j’ai vu en peinture. Il y a quelque chose comme un souvenir des Nymphéas de Claude Monet dans cette forme qui éclot dans un monde flottant. C’est bien la mémoire parce que ça fait voir mieux. En regardant cette forme que mon regard a isolé, parce qu’elle est rose au beau milieu d’un camaïeu de vert, parce qu’elle est au centre du tableau, tel que le nez au centre de la figure, je me mets à regarder avec ma mémoire de la peinture et je regarde ce tableau pour ce qu’il est de la peinture précisément et pas seulement ce que j’y reconnais.
L’artiste, il parait que c’est une femme, et qu’elle s’appelle Florence Nérisson, mais ai-je besoin de savoir cela pour regarder ? Non, même si je sens tout le temps sa présence, tant il me semble que ce qui est là est de l’ordre du sensible. Je sens la mains qui peint, je sens l’être humain, quelqu’un qui en peignant me prend par la mains avec ce grand motif rose auquel je m’accroche pour commencer. Quelqu’un qui une fois que ma sensation m’a fait oublier ma peur de l’inconnu, me lâche la main afin que j’éprouve enfin, pleinement, tout ce qui ici est à vivre. Car là ou une forme se concentre pour apparaitre, d’autres dans ce tableau semblent se dissoudre dans le plan de la toile comme pour échapper à toute tentative d’en figer le sens. Mais alors est ce que ce ne serai pas ça, précisément, regarder ? Voir ce qui est, sans figer ce qui est mouvant, informe, innommable.
La peinture ce n’est pas l’image. Un vrai tableau, c’est une oeuvre avec laquelle on doit pouvoir passer sa vie, se tenir devant elle, debout, assit, de jour, de nuit, tant de tableaux son si beau de nuit, sans jamais parvenir à l’épuiser. Regarder c’est se perdre. Regarder c’est chaque jour se tenir devant une toile que l’on croit connaitre et la découvrir comme si c’était la première fois.
Ce tableau ne nous informe pas. Il nous fait éprouver la douceur émouvante du rose, la fragilité de ces formes vertes qui semblent vibrer dans un ciel lumineux et puis ces autres formes plus sombres, qui parsèment la toile comme si elle était ensemencée ou l’attention comme la peinture se concentre.
Baudelaire, le poète disait, dans une phrase qui m’a toujours fasciné, « de la centralisation et de la vaporisation du moi, tout est là », oui tout est la dans ce tableau. Quand cela sera possible, afin de voir vraiment, c’est-à-dire surtout à travers cet écran si plat et impeccable qui nous sert trop souvent à regarder, il faudra aller voir se tableau en vrai, chez Amelie.
Les tableaux, s’éprouvent, il se regarde avec le corps, 1m46 de haut c’est grand, c’est un tableau à hauteur d’homme, un tableau à échelle humaine, pour un face à face où l’on est regardé autant qu’on regarde. Où surtout on entre dans la toile comme dans un voyage à tâtons où l’on se laisse glisser le long des courants que formes gestes et couleurs. Ah au fait il y a une chose que j’ai oublié de vous dire, enfin que j’ai oublié délibérément de vous dire. Ce tableau a un titre, je ne l’ai pas dit en commençant pour que précisément la prévision ne tue pas la vision, mais maintenant on peut y aller d’autant plus que c’est un très beau titre, qui parle de ce dont nous avons le plus besoin, surtout en ce moment et que ce tableau nous donne a voir c’est-à-dire à éprouver. Il s’appelle « Tendresse » ai-je encore besoin de vous dire pourquoi ?