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Un tableau, fut il le plus beau du monde, doit être accroché de manière juste, afin de se révéler dans toute sa qualité à celui qui le regarde. C’est à la fois une question d’accrochage, c’est à dire de façon dont la toile est disposée sur le mur mais aussi dans l’espace de la pièce qui le contient, mais c’est aussi une question de condition de contemplation. Le tableau se trouve t-il dans un lieu qui m’incite à me tenir debout ou assis, près de l’oeuvre ou bien plus loin ? Tout cela joue sur l’expérience esthétique.
Un artiste, Mark Rothko qui pensait et peignait ses tableaux comme des supports de contemplation, avait particulièrement réfléchis à cette question. Il disait : « ce serait bien qu’on puisse construire partout dans le pays, des lieux, des sortes de petites chapelles, dans lesquels un voyageur ou un promeneur puisse méditer longuement sur un tableau accroché dans une petite salle ». Solitude, durée, proximité, méditation. Nous voilà déjà introduit à l’expérience que propose cette oeuvre de 1952, simplement nommée « Numéro 8 ».
Regardons la en suivant les instructions du peintre. Rothko refusait que ses tableaux soient encadrés. Ce simple fait nous dit déjà beaucoup de ce que nous ressentons ici : l’impression que le tableau se dilate vers l’extérieur, se prolongeant au delà de la toile pour nous imprégner. Qui a déjà vu un Rothko a éprouvé cela, cette impression de baigner dans sa lumière qui fait tant pour l’émotion ressentie. Le cadre, ici, serait un obstacle.
Rothko voulait également que ses tableaux, généralement de grand format, soient accrochés bas, proche du sol, bref à hauteur d’homme. Imaginé que vous êtes face à celui-ci qui fait 2,05 mètres de haut sur 1,73 mètre de large. S’il est accroché bas, votre regard sera face à sa partie la plus lumineuse et votre taille à peu près au milieu de la toile, là où elle se divise en deux masses rouge et jaune clair, voir très clair. On comprend en disant cela, ce que chercher l’artiste. Accroché selon les codes occidentaux usuels, en hauteur donc, le tableau n’est plus qu’un décor mural que l’on regarde avec une forme de distance et sans doute, un désir de comprendre et de reconnaitre ce que l’on voit. Accroché bas, il ne s’agit plus de comprendre mais de voir et de voir avec tout le corps, en étant happé, ce qui empêche de prendre de la distance. Le vertige engendre la fusion. Rothko peignait donc essentiellement des tableaux de grand format, parce que cela s’accorde avec son projet global dont l’accrochage fait également parti.
Dans Numéro 8, comme dans de nombreuses toiles, c’est un grand format vertical, un rectangle étiré en hauteur, c’est la dimension de l’homme, de l’être humain qui est évoqué ici, mais sur un mode amplifié comme si il nous offrait un espace qui soit une sorte de double géant de nous même. Un double géant où nous projeter, où nous enfouir. Devant un tableau de Rothko il faut donc se tenir debout. Certes ce n’est pas écrit sur le cartel qui accompagne le tableau, mais on le sent physiquement, ce sont des tableaux qui font se tenir debout. C’est leur effet physique et symbolique. De même, alors que ce tableau est grand, on éprouve le besoin de se mettre près de lui; Rothko dans sa citation parle de petites chapelles, la proximité favorise l’imprégnation, l’impression de baigner dans cet espace lumineux qui se propage au delà de la toile. La peinture est une affaire de relation qui crée quelque chose. Se tenir à juste distance d’un tableau de Rothko, mais on pourrait dire la même chose d’un tableau de Pierre Soulages, engendre un espace. Celui qui est entre l’oeuvre et celui qui la regarde, espace que l’on éprouve physiquement. L’expérience est sans mots mais c’est elle qui fait la force d’attraction de la peinture de Rothko. L’expérience est immersive.
La dernière exigence du peintre, sans doute la plus dure à réaliser dans un musée, était qu’il souhaitait que ses oeuvres soient réunies dans une même pièce. Selon une logique musicale de résonance entre les oeuvres afin de favoriser une concentration maximale en évitant la présence d’oeuvres d’autres artistes. On peut vivre cela à Londres à la Tate Modern, et plus encore si on a la chance de pouvoir y aller à Huston, au Texas, où l’artiste à conçu une chapelle à l’instigation d’un couple de collectionneurs français Jean et Dominique de Mesnil. Tout ici concourt à ce fameux effet chapelle dont on parle souvent à propos de Rothko. Le plan en octogone, la monumentalité des oeuvres, il suffit de se tenir au centre du bâtiment afin d’avoir le sentiment d’être dans la peinture. Certes nous ne sommes pas à Huston, ni à Londres, mais devant une reproduction de Numéro 8, et pourtant quelque chose à lieu malgré tout qui dit la force de cette oeuvre. Les moyens engagés dans la toile, comme toujours, sont extrêmement simples, ce sont des rectangles de couleur, superposés sur un fond monochrome mais on à la sensation que cela bouge, que cela vit, mieux, que cela respire. Les rectangles ne sont pas des vrais rectangles, les formes n’ont pas de bords, il n’y a ni commencement ni fin, mais un espace en expansion. Celui qui regarde, débarrasser de la recherche d’une quelconque ressemblance, ici il n’y a nul objet, même abstrait, se trouve ainsi confronter à l’expérience de la couleur. Comme si il s’agissait de dire l’expérience de la vie. Celle de la peinture mais aussi la notre. Je suis debout, je m’immerge dans quelque chose, parfois cela m’aveugle, parfois cela me caresse, j’ai le vertige, mais malgré tout c’est doux. C’est une expérience spirituelle, corporelle, c’est peut être cela le sentiment d’être en vie, ce mélange d’appréhension et de sensations.